POURQUOI LA PHYTOTHERAPIE POUR LES ANIMAUX ?

Par le Dr Marjolaine HUMMEL

La phytothérapie fait partie du domaine très large de la naturopathie, qui comprend, entre autres :

Par Pedanius Dioscorides — Arabic Book of Simple Drugs from Dioscorides’ Materia Medica. Cumin & dill. c. 1334 By Kathleen Cohen in London's British Museum, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=478556

La phytothérapie : utilisation d’une partie ou de la plante entière (tige, feuilles, racines…)

L’aromathérapie : distillation dans un alambic de la plante. Cela permet d’obtenir l’huile essentielle d’un côté et l’eau florale de l’autre.

La gemmothérapie : macération des tissus embryonnaires de la plante surtout les bourgeons, mais aussi les radicelles et jeunes pousses

La mycothérapie : utilisation de champignons ou de mycélium de champignons médicinaux

L’apithérapie : utilisation des produits de la ruche, miel, propolis, gelée royale, pollens…

Depuis des milliers d’années, l’homme et les animaux utilisent instinctivement les plantes, les champignons, le miel, pour se soigner. L’avènement récent de la médecine moderne, notamment la découverte de la pénicilline par Alexander Flemming en 1928, a relégué ces remèdes en arrière-plan. De nos jours, nous prenons de plus en plus conscience de l’évolution croissante des antibio-résistances, ou des effets indésirables des médicaments. Et nous sommes donc de plus en plus nombreux à souhaiter un retour en arrière, pour nous et pour nos animaux.

Séchage de plantes médicinales dans un centre de médecine tibétaine traditionnelle (Jarkot, Nepal). Elles seront ensuite broyées en poudre fine et utilisées en tisane. Leridant~commonswiki « Travail personnel » Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=518326
Herboristerie du père Blaize à Marseille (env. 1920) Travail personnel de Xsuividunp https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pharmacie_Herboristerie_du_P%C3%A8re_Blaize_%C3%A0_Marseille.JPG
Champignons séchés. Médecine chinoise traditionnelle

Malgré tout, il est important de ne pas tout rejeter et d’essayer d’utiliser tous les traitements de façon complémentaire. Il faut garder en tête l’objectif premier du vétérinaire : essayer d’établir un diagnostic afin de trouver la solution la mieux adaptée à la situation de l’animal et du propriétaire. Un problème de démangeaison, par exemple, peut être d’origine parasitaire, bactérienne, fongique, immunitaire, allergique, hormonale, tumorale… le traitement pourra donc être insecticide, antibiotique, anti-inflammatoire, chirurgical, ou utiliser des plantes seules ou en complément.

Les domaines d’application de ces thérapies sont larges :

Dermatologie : allergies, plaies

Gastro-entérologie : gingivo-stomatites, gastrites, pancréatites, MICI

Pneumologie : coryza du chat, toux du chenil, bronchite

Maladies virales : leucose, SIDA du chat, parvovirose

Maladies chroniques : insuffisances cardiaque ou rénale, arthrose, en compléments des médicaments de soutient de ces fonctions

Oncologie : en complément, pour stimuler l’immunité ou diminuer les effets secondaires de la maladie ou des traitements de chimiothérapie

Comportement : agressivité, stress, dépression

Quelques fondateurs de la phytothérapie moderne :

François-Joseph Cazin (1788-1864) - Ph. Ecole Nationale de Médecine de Paris
René-Maurice Gattefossé (1881-1950) - Par RMG © Gattefossé — Archives Gattefossé, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3446607
Pol Henry (1918-1988) - http://www.phytembryotherapie.com/FR/Historique.php
Photographie du Jardin Botanique de Maisons-Alfort en 1908 (Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort 2017). https://oatao.univ-toulouse.fr/19339/1/Dor_19339.pdf

François–Joseph Cazin (1788-1864). Chirurgien à l’école militaire, il exerce également dans la marine comme médecin. Victime du choléra, il retourne à la campagne. Tout en soignant ses malades, il s’intéressa à la botanique et fait des recherches sur leurs applications pharmacologiques et thérapeutiques. Auteur d'un imposant Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, F.-J. Cazin est considéré comme « l’ancêtre de l’école française de phytothérapie »

François-Joseph Cazin, Monographie médico-pratique et bibliographique de la belladone, 1856 — http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6136604v/f5, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=51294638

René-Maurice Gattefossé (1881-1950) est considéré comme un des pères fondateurs de l'aromathérapie contemporaine : chercheur fécond et compilateur minutieux, il est également l'inventeur du mot «aromathérapie».

Pol Henry (1918-1988) suit des cours de médecine dans les universités de Bruxelles (ULB) et de Gand (RUG). Il termine ses études à l'université de Louvain (UCL).

Attiré par l'homéopathie, il s'oriente très tôt vers la phytothérapie.

Grand observateur de la nature, par l'étude des effets d'extraits de bourgeons, il développe une nouvelle approche thérapeutique et pose le premier l'hypothèse que le méristème doit contenir toute l'énergie informative au développement des arbres. Il dénomme cette nouvelle face de la phytothérapie : la phytembryothérapie.

Le premier inspirateur de la phytembryothérapie est sans doute Johann Wolfgang von Goethe avec l'ouvrage fondateur "La métamorphose des plantes" mais, déjà, Hildegarde de Bingen (1098-1179), maître dans la médecine psychosomatique par les plantes,  soignait les corps et les âmes en conseillant les bourgeons de pomme, bouleau, cassis, châtaignier, frêne, tilleul... Ses ouvrages de médecine font encore référence.

Pol Henry, homéopathe bruxellois réputé du milieu du siècle dernier, développe la méthode à partir d'une base biochimique dans laquelle, à chaque bourgeon, il fait correspondre un bilan biologique caractéristique. Lorsqu'il retrouve ce profil biologique chez le patient, il prescrit le bourgeon.

Plus tard, Max Tétau, futur président de la Société Médicale de biothérapie, devient le promoteur de la gemmothérapie clinique.

Pour répondre à l'évolution de l'agriculture et de l'élevage, mais aussi à la valeur économique croissante revêtue par les animaux domestiques, la nécessité de soigner efficacement s'impose.

C'est sous le règne de Louis XV que Claude Bourgelat fonde, en février 1762, l'école vétérinaire de Lyon suivie, deux ans plus tard, par celle de Maisons-Alfort.

L'ouverture du Jardin Botanique à Maisons-Alfort, en 1766, permet aux élèves vétérinaires de s'initier aux plantes aisément et les quatre-vingt-dix élèves en cours de formation alors, pouvaient identifier les "simples" : chou, carthame, sauge, thym, romarin, lavande, menthe, tanaisie, sarriette, origan, lys de la Madone, hysope, rue laurier-sauce, pulmonaire, consoude, cumin, bourrache, fenouil, etc. qui, préparées seules ou en association, permettent de soulager nombre de maux.

Le professeur Honoré Fragonard leur enseignait l'art de cultiver, récolter, sécher et préparer des extraits en les distillant, afin de réaliser les drogues végétales nécessaires à leur pratique. Cependant, les cours de botanique et de "matières médicales" (pharmacie) étaient déjà distincts.

Le renouveau de la phytothérapie dans la pratique vétérinaire, devait suivre le mouvement engagé en médecine humaine dans les années 70.

Jardin du prieuré de Locmaria à Quimper
Jardin de l'abbaye de Landeveneg